Le point de départ de la prescription de l’action en réparation d’un préjudice écologique se situe à la date à laquelle des « indices graves, précis et concordants d’imputabilité du préjudice environnemental » peuvent être raisonnablement invoqués.

La notion de préjudice écologique, d’abord appliquée par la Cour de cassation, a été introduite dans le Code civil par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages d’août 2016. Ce préjudice est défini comme « une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ».

Peuvent intenter une action en réparation de ce préjudice les associations agréées ou créées depuis au moins 5 ans et ayant pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement. L’action doit être engagée dans les 10 ans à compter du jour où l’association « a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice écologique ».

La Cour de cassation a dû récemment se prononcer sur le point de départ de ce délai de prescription. Dans cette affaire, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) avait intenté une action en réparation du préjudice écologique à l’encontre de plusieurs sociétés produisant et/ou commercialisant des néonicotinoïdes. Elle soutenait que « le fort déclin des populations d’oiseaux dans les milieux agricoles était à mettre en perspective avec l’utilisation massive d’un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, l’imidaclopride, commercialisé en France depuis les années 1990 ».

Les sociétés prétendaient que cette action, déclenchée devant les tribunaux en juin 2021, était prescrite puisqu’un rapport de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (intitulé « surveillance de la mortalité des oiseaux et des mammifères sauvages ») avait, dès avril 2011, documenté les premières manifestations en France du préjudice écologique lié à l’exposition à l’imidaclopride et que la LPO, en tant qu’association agréée pour la protection de l’environnement, devait en avoir connaissance.

Une action en réparation non prescrite

Pour la Cour de cassation, le point de départ de la prescription de l’action en réparation d’un préjudice écologique ne se situe pas « dès les premières suspicions » de l’effet indésirable d’un produit sur l’environnement. En effet, selon elle, il ne peut être fixé avant la date à laquelle des « indices graves, précis et concordants d’imputabilité du préjudice environnemental » peuvent être raisonnablement invoqués.

Dans cette affaire, pour les juges, la prescription de 10 ans avait donc commencé à courir non pas en avril 2011, mais au printemps 2014. En effet, à cette date, plusieurs revues scientifiques avaient publié des articles démontrant la toxicité de l’imidaclopride sur de nombreux oiseaux et la plupart des poissons (mortalité due à l’ingestion de semences traitées ou reproduction altérée).

En conséquence, selon la Cour de cassation, l’action en réparation du préjudice écologique intentée en juin 2021 par la LPO n’était pas prescrite.

À noter : la Cour de cassation a, par ailleurs, précisé que les tribunaux judiciaires étaient compétents pour statuer sur cette action même si les sociétés vendaient un produit dont la commercialisation exigeait l’autorisation de l’administration.

Cassation civile 3, 13 novembre 2025, n° 24-10959

© Les Echos Publishing 2025

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